Story
On aimerait tous que les histoires commencent par : il était une fois, dans une charmante famille… Mais, ce n’est pas toujours ainsi que cela se passe. Dans ton cas, ton histoire commença dans un bordel des docks de Plymouth dans le sud de l’Angleterre. Déposé sur des draps souillés du sang maternel, tu restais calme et paisible, comme si tu savais que tu serais à jamais un secret pour cette femme. On se demandait même si tu étais réellement vivant, tu avais à peine crié en venant au monde et tu étais déjà presque endormi maintenant. Dès le lendemain, tu as quitté cet horrible endroit pour la ville de Leeds, afin de grandir dans la famille de ton père, Lieutenant dans la Royal Navy et client régulier de ta mère que tu ne reverras jamais. La seule raison pour laquelle un bâtard comme toi fût accepté en cette maison c’est que la femme de ton géniteur – que tu considéreras dès ton plus jeune âge comme ta mère – ne parvenait pas à mener à bien une seule grossesse et par conséquent ne pouvait avoir d’enfant. Personne, mise à part elle, son époux et des grands-parents, ne connaissait ta honteuse ascendance. Toi-même, tu l’ignoreras très longtemps.
Dès l’enfance, l’on te prépara à une carrière dans la marine. Ce n’était pas une tradition familiale, mais avec Napoléon en France et les guerres qui en découlait, l’armée semblait un secteur des plus prospère, on avait besoin de tous les soldats possibles et dans le fond où pourrait-on mettre un bâtard ? Si, l’affaire venait à être ébruitée, autant que tu n’occupe pas une fonction administrative trop hautement placée. De toute façon, l’étude ne semblait pas ton fort, du moins pas si jeune. 1805, l’année de la bataille de Trafalgar. Elle a lieu bien loin de toi, mais elle t’arrachera ton père. Pour le petit garçon que tu es, tu as encore du mal à comprendre ce que cela implique. Le dépérissement de celle que tu appelle « mère » fût très rapide et eu tôt fait de la consumée au point qu’un jour, elle ne se réveilla plus. Après de grandes et houleuses négociations, il fût décidé que tu partirais vivre chez tes grands-parents paternels à Leeds, mais que tu passerais les étés à Estbury chez tes grands-parents maternels. Une enfance mouvementée dans une famille où on faisait plus l’éloge des autres que de toi. Discret, parfois timide, en réalité cela ne te dérangeait pas, peut-être que tu aurais préféré tout de même un peu de tendresse de la part de ses gens qui prenait un soin particulier à te regarder de haut.
À peine un pied dans l’adolescence, tu fus placé en pension à l’école militaire de la Royal Navy. L’enseignement et l’entraînement sont durs, les journées longues, mas contrairement à la maison, chaque effort considérable est souvent récompensé. Pas à pas, échelons par échelons, tu as pris du galon et du poids sur les différents bâtiments où tu as été affecté. Par modestie, tu ne te vanteras guère de tout cela, même si tu en éprouvais une certain fierté personnelle, surtout maintenant que tu semble prendre un peu d’importance aux yeux de tes tuteurs. Ceci-dit, il manquait encore à ta vie – tout du moins aux yeux de tes grands-parents - un bon mariage, ce qui semblait très difficile à contracter puisque tu séjournais bien plus en mer que sur terre et ce n’était pas spécialement pour te déplaire, car la vie en société n’a jamais été ton fort. Ce n’est que tardivement, peu après ta nomination au grade de Commander de la Royal Navy, que tu épousas Prudence Whittaker, jeune demoiselle de l’aristocratie, d’après les commandements de ceux qui régissait ta vie. Tu venais alors d’avoir trente-deux ans. La même année, ton grand-père maternel sur son lit de mort te confia le plus lourd des secrets : la vérité sur ta naissance. Le choc fût si terrible que tu restas longtemps éloigné de tous, acceptant plus de mission qu’avant. Tu t’illustras d’ailleurs dans l’une d’elle, devenant une sorte de héros pour tes maris et promu au grade de Commodore. Pour un bâtard, c’était la récompense ultime, la preuve d’une légitimité à exister, un réconfort comme la lumière d’un phare pour les marins lors d’une nuit noire, sans lune et sans étoiles. Pour cette prouesse, pour ta brillante carrière, ta dévotion sans faille, le roi te décerna le titre de chevalier de la couronne britannique, t’anoblissant de par le fait, mais ce n’était pas ce qui comptait le plus à tes yeux, loin de là.Ce qui comptait le plus, c’était d’enfin faire la fierté de ceux qui jusqu’ici ne voulait pas te considéré pleinement comme capable. Ceux qui ne voulait pas faire d’éloge de ta personne, ne jurait désormais plus que par toi.
Tu reviens donc à ta femme, décidé à fonder un foyer et plus sûr de toi que jamais. Malheureusement, tu fus rappelé pour une autre mission alors que Prue était enceinte. C’est en mer que tu appris la tragédie, sa mort en couche et le décès de l’enfant avec elle. Si, il n’y avait point d’amour entre vous, vous étiez tout de même lié par une profonde tendresse. Est-ce pour cela, que le jour suivant, tu pris des risques inconsidérés et irréfléchis ? Peut-être, mais le résultat fût le même. Blessé au bras par un éclat de boulet, ce fût un miracle que tu ne finisses pas amputé, mais tu souffrira à jamais de cette blessure. La conséquence directe fût de t’écarter un temps de l’armée pour que tu te repose. Cependant, pour beaucoup, il est temps que tu prennes ta retraite après tant d’années à servir et puis, tu es presque invalide désormais. Incapable de retourner à Leeds où tu vivais avec ton épouse, tu préféras te retirer à la campagne dans ta famille maternelle dont tu es l’unique héritier.
Huit mois se sont écoulés depuis. Si la douleur physique est supportable, celle du cœur met plus de temps à s’adoucir. Posé sur le fauteuil face à la fenêtre, tu regarde passé le temps avec l’envie de repartir en mer. De noyé ta peine dans le labeur et le bleu de l’océan. Tu n’es presque pas sortit depuis ton arrivée, côtoyer le monde ne t’aurais pas aidé, il te fallait d’abord faire le point avec toi-même et puis, les mondanités sont tellement étouffantes. Soudainement, tu te lève, tu prends ton couvre-chef et tu passes la porte. Le soleil t’accueille avec une chaleureuse promesse d’un avenir plus lumineux. Le renouveau est arrivé.