Story
Ma naissance.
Il faut dire que j'étais attendu dans ma famille. Le couple Lynch n'avait eu que trois filles et il leur était important d'avoir un héritier pour nos terres à Estbury. C'est vers la fin de mois de juin après un accouchement difficile, que je vis le jour. Heureusement pour nous tous ma mère s'en remit, je crois que sans elle j'aurais été malheureux. Elle me donna beaucoup d'amour, beaucoup plus que mon père même si je savais qu'il m'aimait... D'une manière bien particulière. Quand ma mère m'apprenait à lire et à écrire comme tout homme de bonnes familles, mon père m'apprenait à gérer les comptes et m'appris également l'amour de notre patrie et de la terre. Nous étions tous militaire de père en fils dans notre famille, et je ne pouvais pas non plus échapper à cette éducation froide et stricte. J'appris donc à me servir d'une épée, ainsi qu'à monter à cheval. Mon avenir était déjà tout tracé.
Je sais que je n'ai jamais été quelqu'un de très facile à vivre, toujours en mouvement, d'humeur plus ou moins taciturne. Je n'ai jamais aimé les mondanités. Il semblait que je ressemblais beaucoup à mon père sur ce point ainsi que sur le physique : « son portrait craché » se plaisait à dire ma génitrice « dommage qu'il ne parle pas plus que lui. » Je n'étais pas timide, non, je ne parlais simplement que quand je pensais qu'il était nécessaire que je le fasse. Elle s'acharnait également à m'apprendre ce qu'elle nommait « bonne manière » sans que cela ne réussit à s'inscrire pleinement en moi. D'aucuns jugeraient que j'ai toujours été un garçon rustre, je dirais plutôt que je ne serais jamais un homme de salon.
----------------------------------------------
Je grandis.
De petit garçon robuste, je deviens un homme robuste. Une haute taille, je fais la fierté de mon père. Il sait que je suis digne de lui et je lui ressemble plus encore : des yeux bleus océan, des cheveux bruns. Je suis encore rasé de près à cette époque. Je n'ai que 19 ans, ma mère souhaite que je me rende à toutes les réceptions afin que je trouve une épouse. Mais je ne souhaite pas me marier, non, je sais que cette femme ne pourra m'aimer mon caractère étant trop austère, trop dur. Je fais peur à la gent féminine d'une certaine manière, par mon manque de conversation, mes manières laissant à désirer. Je suis persuadé que les seules qui pourront m'aimer sont celles que je paye pour une nuit. J'aime la compagnie des femmes certes, c'est simplement elles qui n'aiment pas ma compagnie.
Ma mère insiste, je lui dis non tandis que mon père soutient mon choix.
Je ne peux m'empêcher de penser que c'est mon refus qui rend ma mère malade. Fièvre soudaine dont elle ne se remettra pas.
Mes sœurs se marient. Je reste sur nos terres, j'aide mon père dans la gestion pour laquelle je me montre habile... Puis, je m'engage dans l'armée avec mon meilleur ami Andrew. Je rêve de la gloire dont m'a parlé mon père, je pense aux guerres Napoléoniennes. Mon ami pense la même chose que moi et ainsi je quitte Estbury. Je lui dis adieu, et d'un côté j'espère ne jamais la revoir.
------------------------------------------
La guerre.
Si je l'imaginais ainsi la guerre, je crois que je serais resté en paix sur mes terres... Oh je n'étais pas un lâche non. Je me suis battus bravement, un peu trop bravement même. Je me souviens de l'artillerie, des boulets tombaient autour de nous telle une pluie mortelle arrachant à la vie certains de mes compagnons. Je me souviens du hennissement des cheveux. Je les voyais tomber un à un, et pourtant perché sur ma monture, je poursuivais la charge, sabre à la main. Il faisait chaud sous le soleil écrasant d'Espagne, mais je n'avais pas le temps de m'attarder là-dessus. Un cri soudain résonna
-Andrew ! Hurlais-je en voyant mon compagnon d'armes tomber à son tour. Coincé sous son cheval, j'étais persuadé de le voir encore bouger. Il me fallait faire quelque chose pour mon ami de toujours, celui qui ne m'avait pas abandonné quand j'étais parti de chez moi.
D'un geste maitrisé je fis pivoter ma monture, m'exposant plus encore au feu de l'ennemi, mais une chose importait : Andrew. Je sautais à terre en me précipitant vers lui.
-Andrew !-Edward... Va-t'en ! Fit il en grimaçant. Dans son uniforme on pouvait distinguer un large trou poisseux de sang. Je serrais les dents, il était perdu.
-Je ne peux pas te laisser là ! C'est de ma faute Andrew je suis désolé.-Ne t'excuse... pas... et sauve ta vie. Dit-il faiblement. Je ne savais que faire, je tentais vainement de repousser le cadavre qui entravait ses jambes sans y arriver. Je le regardais, voyant les lignes ennemies approcher plus encore.
-VA T-EN ! Me hurlait-il dans un dernier effort.
-Adieu mon ami. Réussis-je à dire avec difficulté, m'éloignant aussi rapidement que possible. Je n'aurais pas pu le sauver. Sa blessure était trop grave, mais je sentais le poids de la culpabilité peser sur mes épaules ainsi que la peine d'avoir perdu un être proche. Je me saisis du mousquet le chargeait les mains tremblantes avant de tirer sur les ennemis, j'en vis un tombé, puis plus tard un second.D'autres tiraient tant et si bien que je ne savais si c'était vraiment moi qui les touchaient.
Je commençais à me croire invincible malgré la mort qui nous entourait tous. Je le croyais... jusqu'à ce qu'une vive douleur à l'épaule me rappelle que j'étais humain. Que je n'étais que chair et os. Serrant les dents je sentais le liquide s'écouler le long de mon épaule, de mon bras. Je me retrouvais incapable de soulever mon mousquet ou mon sabre. Un nouveau sifflement, et cette fois ce fut ma jambe qui fut la proie des balles. Je ne retins pas un hurlement de douleur cette fois. Je tentais de m'éloigner du champ de bataille, mais je ne put aller bien loin. Je tombais soudainement, lourdement au sol, sans connaissance.
----------------------------------------------
Je me suis éveillé à l'hôpital militaire, le bras coincé dans un lourd bandage et la jambe totalement immobilisée. Je souffrais le martyr encore, mais j'étais en vie et c'était tout ce qui comptait. C'était la première fois que j'étais blessé aussi gravement, et Andrew n'était plus là. Oh triste consolation on me nommait officier pour mon courage durant la bataille. Tout ceci pour une simple guerre de succession qui ne touchait que l'Espagne et à laquelle on nous avait envoyé nous faire tuer pour montrer que l'Angleterre était toujours une grande puissance et qu'elle avait son mot à dire dans toutes les affaires en Europe et au-delà.
Un médecin m'apprit que ma jambe avait été fortement touché. Ils avaient réussi à retirer la balle mais celle-ci avait touché l'os. Je resterais boiteux et ne pourrais monter à cheval que difficilement. Ma carrière militaire touchait à sa fin. Je resterais officier certes, je pourrais donner mon avis dans certaines décisions, mais adieu la vie de terrain. Ce n'en était que mieux même si je n'en pipais mot à personne.
Pendant plusieurs semaines je restais alité, puis je réappris à marcher avec une canne, en plus de tout ce qui m'arrivait, j'appris que mon père, déjà âgé, venait de mourir me laissant le domaine ainsi que toute sa fortune. Je devais faire quelque chose que je n'avais jamais eu envie de faire : rentrer chez moi. Dans ce village qui m'était devenu purement et simplement étranger. J'étais certain que ce retour allait faire courir de nombreux bruits sur moi, le nouvel infirme blessé à la guerre... Adieu pour moi la liberté, retour à l'aliénation des grandes réceptions auquelles je devrais me rendre sans grande joie. Prenant le bateau, je rentrais à Estbury qui était déjà visiblement agité par la venue d'un certain Northon....